À nouveau la philosophie
Un regain de la philosophie est-il en train de se produire ? Loin de s'éteindre sous la poussée des sciences humaines, la recherche est plus vivante et diverse que jamais ; la « mort de Dieu » et celle de la métaphysique n'ont point précipité la philosophie au tombeau ; les philosophes, pourtant de nature inquiète et portés à la mauvaise conscience, ont cessé de déserter. Retrouvant la rigueur spécifique de leur discours, ils s'attachent de nouveau à la défendre et à l'illustrer ; et même des scientifiques éminents, brisant une tradition de mépris, se tournent vers la réflexion philosophique.
Toutes proportions gardées, on ne revient à la philosophie, comme à la démocratie, qu'à la mesure de la banqueroute des idéologies totalisantes et des systèmes prétendument salvateurs. Et si l'on s'enquiert des semences d'une nouvelle sagesse, c'est que s'étendent à l'horizon planétaire les dévastations culturelles et morales produites par d'incroyables régressions mentales ; fanatismes religieux, abrutissements télé-vidéo-médiatiques, intoxications activistes. L'enjeu philosophique n'est pas un lieu privilégié soustrait à l'intérêt de la communauté humaine tout entière : c'est bien le sort des hommes et l'inscription de quelque chose comme un sens dans le tumulte d'une histoire marquée par le destin de puissance de la rationalité.