Bernanos vivant
« J'avais dix-neuf ans quand a paru Sous le soleil de Satan et que je l'ai lu : dès ce jour, Bernanos devint pour moi le grand Initiateur, je savais que ce serait de lui que j'apprendrais les grandes choses sur l'esprit et la vie, sur un certain comportement dans la vie et dans l'exercice de l'esprit. C'est dire avec quelle anxieuse impatience - celle de la toute première jeunesse - je me suis mis à attendre chacun de ses livres, comme si, de quelque manière, mon sort en dépendait, et il en dépendait en effet. Chacun, sitôt paru, je le lisais, le relisais indéfiniment, moins pour apprendre - apprendre quoi ? - que pour accorder mon souffle à cette puissante respiration, pour sentir en moi des portes s'ouvrir magiquement, silencieusement : mon espace intérieur élargi à l'infini. La vision que Bernanos me donnait de la vie chrétienne était tellement libératrice; ample, généreuse que, tournant vers moi mon regard, je ne pouvais plus attribuer les mesquineries de mon existence qu'à ma propre ladrerie : c'était merveilleux ! »