Eros enchaîné
Quand et comment la religion d’amour annoncée par Jésus est-elle devenue l’ennemie de l’éros ? André Paul situe le fait bien avant saint Augustin, dès la préhistoire culturelle du christianisme. Théologien à la parole libre, auteur d’une œuvre importante et reconnue, l’historien des doctrines et des textes antiques juifs, grecs et chrétiens, décrypte la façon dont un philosophe juif quasi contemporain de Jésus, Philon d’Alexandrie, a déterminé en profondeur tant la doctrine que l’éthique chrétiennes. Empreint de culture grecque, cet éminent esprit minimise le mythe de l’androgyne originel au profit d’un modèle opposé, lui-même hérité de Platon, qui dévalorise la femme. À sa suite, reprenant son interprétation biaisée de la Genèse, les Pères de l’Eglise enchaîneront l’éros à la nécessité de la procréation, et figeront une conception restrictive de l’union conjugale
Cet essai passionnant, où l’auteur s’engage personnellement sur ce qu’il appelle les « maladies sexuelles de la foi », remet en cause nombre d’idées reçues. À l’heure où un moralisme volontiers virulent refait surface autour des thèmes de l’homosexualité et des fondements de la famille, il fait œuvre salutaire.