La Grinchieuse
« Enfant, elle était déjà grincheuse. Adolescente, elle devint franchement chiques. Au point que le bon docteur Pierrot avait accouché de cette contraction néologique reprise par la famille et les rares amis : "Mme Rossinot est une grincheuse". »
On sut très vite que nul ne pourrait la contenter. Certains prétendants préférèrent passer leur chemin. D’autres, aiguillonnés par la difficulté, se mirent sur les rangs. Mais elle faisait payer si cher ses faveurs qu’on regrettait bientôt de les avoir obtenues. Les hommes passaient dans sa vie, comme des fournisseurs de semence et des pourvoyeurs d’argent. Elle ne perdait jamais une occasion de leur rappeler la précarité de leur situation et décourageait toute conciliation – fût-ce sur l’oreiller – par cette formule :
– « Je ne suis pas une mégère qu’on peut apprivoiser. »
On connaissait le journaliste à la plume caustique, l’amuseur et le moraliste. Philippe Bouvard, romancier, nous révèle une nouvelle facette de son talent. Observateur impitoyable de notre siècle, il décortique l’âme humaine et plonge au plus profond de sa noirceur pour nous offrir une fable grinçante, sans jamais rien perdre de sa verve rieuse et de son humour.