Le Navigateur
Fasciné par la mer et la voile, Jacques Sternberg n'aime pas l'Aventure. Il n'a donc jamais traversé l'Atlantique en solitaire, pas davantage la Manche puisqu'il barre un vieux dériveur avec lequel il a pourtant avalé des milliers de milles.
Alors, il rêve, il ne peut que rêver. Il fantasme, il mirage à plein temps sous le vent. L'écoute entre les dents, une main au cul des filles, l'autre rivée aux focs sauvages, la barre entre les jambes, le Navigateur surfe à 25 noeuds dans les vagues de l'absurde et remonte au près serré le courant de la démence.
C'est avec un dériveur léger qu'il défie le Pacifique et sur une île pneumatique qu'il salue, naufragé, le Horn ; c'est avec un équipage de 80 épouses à bord d'une goélette qu'il attaque la flotte de la Kriegsmarine SS ; il gagne les Jeux Olympiques sous le vent qu'il a emporté dans un sac, louvoie entre les lettres des mots OCÉAN ATLANTIQUE inscrits dans le bleu marin des Atlas, s'envole sous spi au-dessus des banquises arctiques, sauve sa peau échoué sur un cachalot, défie tous les océans et tous les cyclones, mais sombre dans le ridicule en remontant la pollution de la baie de Seine et se retrouve au camp de concentration des Glénans après avoir mené une mutinerie sur un voilier de haute compétition.
Bref, il navigue. Mais dans le délire de préférence, sans négliger de nombreux dessalages dans l'érotisme, emporté par une passion du verbe qui souffle à force 9, de la première à la dernière page.
À notre époque de performances hauturières dans le sérieux, l'efficience réaliste et la névrose du record, le livre de Sternberg tombe comme un pavé dans l'océan. C'est sans nul doute le premier livre d'amour et d'humour fous, de dérision et de « porno-marine » que l'on ait eu l'idée de cracher dans les voiles du nautisme.