Le Voyageur étranglé
Dans les années 1830, l'Inde s'émeut des agissements d'un groupe de criminels appelés Thugs qui, au nom de la déesse Kali, répandent la terreur en étranglant des voyageurs dans une sorte de rituel sacrificiel. Point de départ d'une répression brutale, dont sera chargé William Sleeman, haut responsable de l'administration coloniale anglaise, ces événements sanglants marqueront également la naissance d'un imaginaire de l'horreur.
Au-delà de la réalité, les Thugs, organisés en secte religieuse aux règles précises, profondément inscrits dans le système des castes, vont devenir un mythe qui hantera l'Angleterre victorienne en particulier avec la publication du livre fameux de Meadows Taylor, Confessions d'un Thug et jusqu'à notre époque, à travers le cinéma.
Dévoilant peu à peu leur identité grâce à la traque minutieuse de leur code linguistique et de leur vision du monde, Martine van Woerkens, indianiste et membre de l'École Pratique des Hautes Études, se livre ici à une fine analyse qui associe pour la première fois la vérité historique, le fantasmatique et le développement du mythe à travers littérature et cinéma. Il s'avère alors que la diabolisation des Thugs et leur procès, à l'instar des affaires de sorcellerie aux XVIe et XVIIe siècles, masque la grande peur d'un Occident encore dominateur, mais plus tout à fait sûr de sa suprématie.