L'Usure de l'âme
Des mémoires à cinquante-huit ans ? C'est qu'il faut compter avec l'usure de l'âme et la porte de sortie...
D'ailleurs est-il meilleur sujet que de se peindre ? Durant les cinq années où j'écrivis ce livre j'ai connu la solitude et le détachement mais quel plaisir à raconter tout bonnement ma vie ! De mes souvenirs, de cette odeur du temps, j'ai voulu faire une oeuvre littéraire, voire lyrique et plus près du jeune âge que de la vétusté. Comme si, toujours aux bornes de l'enfance, j'observais du départ.
Tes père et mère honoreras... Je crois bien l'avoir fait même si, dans leur amour, je les décris tels qu'ils furent... Passée la candeur de ma jeunesse, je suis entré en médecine - cette souveraine expérience qui ouvre sur le monde, comme aucune discipline. Ce fut pour moi la grande étape avec, à son début - en pleine guerre -, la passion de ma vie, mon destin, ma lignée.
J'ai connu quelques personnages... surtout deux maîtres : Simenon pour le cerveau ancien, Koestler pour le cerveau nouveau. Recherchant les francs compagnons à l'esprit affiné, j'ai l'avantage de vivre parmi les gens qui savent- dans cette époque de clichés à l'envers.
J'ai navigué au mieux, entre ma flamme d'écrire - cette toxicomanie - et le besoin d'accomplir mon métier. Ce faisant, j'ai réglé quelques comptes avec la scolastique freudienne, l'impudente cuistrerie, l'indigence politique... Et je tiens en réserve depuis plus de trente ans (mon voyage d'Italie) cette passion pour l'art et pour sa création qui ne me quittera plus.
Une liberté insigne m'a donc fait incanter - quand il est temps encore - mon honneur d'avoir compris tant de choses, mon bonheur d'avoir aimé si fort... moi - puceron de la planète Terre - âgé déjà de trente millions de siècles et proue émerveillée d'une singulière évolution.
P. D-R.