Tempête sur l'Occident, 1945-1975
Ce volume retrace trente ans (1945-1975) de voyages à travers le monde, de rencontres, de réflexions. On y trouve, tirée d'une expérience personnelle profonde des sociétés et des idéologies qui s'affrontent sur notre planète, une analyse pénétrante et irrécusable de l'angoisse dont, aujourd'hui, la civilisation blanche est saisie. Voici, évoqués devant nous avec netteté, les quelques grands et les innombrables petits, de toutes les couleurs, qui participent en Europe, en Amérique, en Asie, en Afrique, à la mutation effrénée de l'espèce humaine - nostalgique de lois morales inédites, de rapports nouveaux entre le droit, le pouvoir et le sacré -, une espèce dominée désormais par les moyens qu'elle a aussi bien de se détruire que de s'informer.
Devant les ruines de l'antiquité, au tribunal de Nuremberg, au Sinaï, avec les pélerins des grottes sacrées de l'Himalaya, à Isé chez la déesse Soleil du Japon, auprès des milliers d'ouvriers acharnés à la construction d'un barrage près de Pékin, Louise Weiss médite, interroge et s'interroge. Ni l'ignorance, ni le fanatisme, ni la misère, ni la fortune ne la dupent. Persistant en son libéralisme et son amour des lumières françaises, elle décortique le fallacieux anticolonialisme américain, elle se fâche contre l'O.N.U. devenue un club de dictateurs, elle se gausse de l'aide de l'Occident au Tiers Monde (définie par elle comme l'aide des pauvres des pays riches au riches des pays pauvres), elle voit les nouveaux impérialismes russe et chinois l'emporter, notamment en Afrique, sur la puissance américaine.
Avec une foudroyante clarté, un humour parfois féroce et aussi avec compassion, Louise Weiss nous montre donc l'immense bataille qui déchire notre univers. Pour elle, l'arme absolue est le lavage des cerveaux ; les futurologues n'y voient goutte. Les matériels sont innocents, ce sont les hommes qui tuent. Désolée, mais chantant la liberté humaine, et se traitant elle-même, avec la verve qui la caractérise, d'aristroprolo et d'impie respectueuse, elle en appelle à la protection du Parfait-Roi-des-Singes, un être mystique de la littérature chinoise, qui, au cours d'un voyage semblable au sien, souffrit la male mort en cherchant les 15.144 Traités du Bien qu'en son Grand-Temple-du-Fracas-du-Tonnerre détenait le Boudha, l'Illuminé.