Les Chansons de Bilitis
« Dans une société où les maris sont la nuit si occupés par le vin et les danseuses, les femmes devaient fatalement se rapprocher et trouver entre elles la consolation de leur solitude. De là vint qu'elles s'attendrirent à ces amours délicates, auxquelles l'antiquité donnait déjà leur nom, et qui entretiennent, quoi qu'en pensent les hommes, plus de passion vraie que de vicieuse recherche.
Alors Sapphô était encore belle. Bilitis l'a connue, et nous parle d'elle sous le nom de Psappha qu'elle portait à Lesbos. Sans doute ce fut cette femme admirable qui apprit à la petite Pamphylienne l'art de chanter en phrases rythmées, et de conserver à la postérité le souvenir des êtres chers. [...] elle nous a laissé en une trentaine d'élégies l'histoire de son amitié avec une jeune fille de son âge qui se nommait Mnasidika, et qui vécut avec elle. Déjà nous connaissons le nom de cette jeune fille par un vers de Sappô où sa beauté est exaltée : mais ce nom même était douteux, et Bergk était près de penser qu'elle s'appelait simplement Mnaïs. Les chansons qu'on lira plus loin prouvent que cette hypothèse doit être abandonnée. [...]
Le jour où elle cessa d'être aimée, elle cessa d'écrire, dit-elle. Pourtant il est difficile d'admettre que les chansons de Pamphylie aient été écrites à l'époque où elles furent vécues. Comment une petite bergère de montagne eût-elle appris à scander ses vers selon les rythmes difficiles de la tradition éolienne ? On trouvera plus vraisemblable que, devenue vieille, Bilitis se plut à chanter pour elle-même les souvenirs de sa lointaine enfance... »
Pierre Louÿs.
Constantine, août 1894.
Bilitis est également le titre du premier film de David Hamilton