Le Tourniquet des innocents
FÉVRIER 1934, mai 1968 : à une génération de distance, voici deux insurrections d'écoliers, de sens contraire, mais parallèles, qui échouent pareillement après avoir failli bouleverser tout le destin du pays. Qu'est donc cette Université, ainsi dévorée d'une généreuse et meurtrière soif de pureté, en pleine époque de cynisme industriel, d'égoïsme jouisseur et d'épais confort ?
Elle est le vrai sujet, en tout cas le personnage central du Tourniquet des Innocents. Le récit se dispose autour de deux pôles, un grand lycée parisien et la Faculté de Nanterre, derrière lesquels le lecteur sent vivre en profondeur tout le Paris 1970, banlieue comprise, et même le quartier Latin ou les Batignolles de l'avant-guerre. Dans ce cadre, évoluent professeurs, grands élèves, étudiants, aux prises les uns avec les autres suivant les mille modalités de la vie même, les parents avec les enfants au sein des familles, les jeunes gens entre eux, à l'âge des amours, des combats pour l'affirmation de soi, des désespoirs aussi. En ce sens, Le Tourniquet des Innocents pourrait être saisi comme le roman de la jeunesse en quête de sa raison de vivre.
On ne saurait résumer l'intrigue, les intrigues mêlées plutôt, de ce livre qui avance comme un fleuve. Pris dans son flot, ses personnages, groupés autour de la famille Jourdedieu, se laissent progressivement entraîner jusqu'au point où leurs drames individuels se nouent en crise collective. Les leçons à en tirer, s'il en est ? Aucune, bien entendu, n'est imposée, et le lecteur choisit à sa guise : Le Tourniquet des Innocents est un vrai roman, non une thèse.