Pain perdu
Autrefois le pain avait l'odeur des froments de Dieu et la couleur de l'amour. C'est à la fraction du pain - après que le père l'avait signé - qu'on se reconnaissait d'une certaine famille. Alors le monde prenait le mouvement même des moissons. Et rien de ce qui avait été battu dans l'aire et moulu au four banal ne devait se perdre. Les miettes ne tombaient que de la table des riches ; à celles des pauvres, il arrivait qu'elles fussent déjà un festin.
Charles Le Quintrec a été ce jeune garçon à qui l'on a refusé le pain sacré, le sacrement du pain. Il s'en souvient dans le présent ouvrage qui nous conduit de ses jeunes années à notre époque, à travers la royale gueuserie de ceux qui, manquant de tout, ont cru à l'essentiel.
Pain perdu comporte trois parties : un récit d'enfance avec le portrait de la mère traité à la manière de Rembrandt ; une évocation de la vie parisienne dans les années 50 ; des notes et des chants pour Elisane, femme idéale et peut-être image même de la poésie.
Livre de tendresse, mais aussi de révolte, avec ses pages aiguës, lucides, que traverse le cri de tous ceux qui ont faim - pas seulement de justice... Pain perdu est une oeuvre grave, de cette gravité mystérieuse que seuls savent avoir l'enfant, l'amant ou le poète.